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la mort - Page 2

  • La Tour de la Défense: Daphné est completement pétée

    Hier soir, la Tour de la Défense se dressait à Bobigny. 1 boulevard Lénine, prés du boulevard Jean Jaurès, avant le boulevard Maurice Thorez.

    medium_tour_01.jpgNon, on plaisantait: cela ne se passait pas vraiment à Bobigny, ou géographiquement tout au plus: c'était plutôt à la MC93-Bobigny, qui est une enclave parisienne et bobo au coeur de la Seine Saint Denis, en compagnie d'un public dont la mixité sociale ne sautait pas aux yeux. Et, pour preuve qu'on n'était pas dans lez 9-3 pour de vrai, précisons qu'on avait acheté notre place via le Festival d'Automne à Paris.  "Parking gratuit et surveillé" nous rassurait la brochure. Alternative au Forum culturel du Blanc Mesnil qui affrète des cars pour aller chercher le public parisien place de la Nation. Mais on aurait pu être à Avignon, où n'importe où ailleurs, on était en tout cas en phase avec le contexte de la pièce: un réveillon bobo-homo de nouvel an, de l'an 1977, année disco.

    Représenté dans un décor, un vrai, splendide et sophistiqué, un décor d'appartement seventies, avec tous les accessoires, même les pires. Ce qui fait tout drôle, tant on s'est habitué au minimalisme contemporain. Réalisme plastique, et intrigue linéaire également, quasi-boulevard ou comédie policière, avec entrées, sorties, exclamations, portes qui claquent et évanouissements à répétition, mais tout est décalé. On croit entendre, en écoutant le texte de l'argentin Copi (1940 -1987) une fascination quasi-enfantine pour la langue française, peut être propre à un étranger qui apprend à la maîtriser, comme un nouveau jouet, et manie cependant cette langue avec une insaisissable étrangeté. 

    Les personnages, comme dans une recherche naîve pour appréhender la complexité de l'existence-c'est perdu d'avance-. enfilent les banalités avec medium_tour_02.jpgune drôlerie déconcertante. Presque une pré-figuration parodique des shows de télé-réalité de nos écrans d'aujourd'hui, promesses sexuelles comprises. Mais d'évidences approximatives en fausses évidences, c'est une manière imparable de nous accoutumer à un glissement très progressif d'un trash presque ordinaire vers l'absurde et l'horreur. Qui se manifestent avec les obsessions habituelles à Copi: rat, serpent, frigo et compagnie, mais aussi par de sinistres prémonitions: hélicoptère s'encastrant dans une tour en feu et enfant congelé au frigo. Soudain on ne rit plus.

    Tous les habitants du 13° étage de cette tour de la défonce sont passionnants, et entre autres Jean(Martial Di Fonzo Bo), étonnant de pédanterie et de de candide brutalité. Mais le pire viendra de Daphné, la seule femme présente, interprétée par Marina Fois, sublime et désinhibée. Daphné d'abord en marge de ce club masculin, celle dont chacun cherche à se débarrasser. Revanche morbide, toute l'action se réorganisera peu à peu autour d'elle. 

    Mais de toute manière, à la fin tout le monde meurt, évidemment.

    C'est "La Tour de la Défense" par la compagnie "les Lucioles", mis en scène par Martial di Fonzo Bo, à la MC93 Bobigny, encore pour quelques soirées

    Guy

  • Môh Aroussi: buto schubert ?

    S'agissant d'art, faut-il tout essayer? C'est nécessaire, vital, salutaire, courageux évidemment. 

    Pour autant, Schubert et le buto sont-ils fait pour se rencontrer? Le seul moyen d'en juger est de voir "La jeune fille et la Mort".

    Mais le dialogue a-t-il seulement lieu? Est ce art organisé d'un coté, et organisation du chaos de l'autre? Deux émotions qui s'ignorent? Pourquoi se surprend-t-on à ressentir que les moments les plus remarquables ceux qui sont "en marge", des moments incertains, tel celui où Moh Aroussi- au physique si remarquable- tombe, tombe et retombe encore, tel celui, interminable, où sa partenaire emmêle d'un peigne ses cheveux? Schubert est un peu oublié, et la musique également, à l'exception des ponctuations libres, et précieuses alors, du seul violoncelliste? 

    C'est "La Jeune Fille et La Mort" tous les mercredi jusqu'à fin décembre, par le Quatuor Bedrich, Moh Aroussi et Valentina Miraglia, à l'Espace La Comedia.

    Guy

  • Salut les filles

    D'un malabar rose géant émerge une femme nue, qui se transforme en Jeanne d'Arc un peu plus tard, mais telle qu'on ne la verra surement jamais au T.N.O., puis encore des signaux qui clignotent violemment, une esclave enchainée, un drapeau qu'on agite, du feu, une épée, une tête qui gonfle, des personnages menaçants, un homme coiffé d'un haut de forme....

    medium_file_47_heygirl2.jpg

    Images chic et choc, trés plastiques. Plutôt metalliques à la réflèxion. 

    Mais que met-on en jeu au juste, ce soir, sous nos yeux? La lecture du livret ne nous sera d'aucune aide pour trouver un début de réponse. On y apprendra quand même que les hotesses d'accueil sont habillées par Agnes B.

    C'est brumeux, au sens propre d'abord, et lent, trés lent, et même plus lent encore, mais pourquoi pas.

    Oublions le sens: pas le choix. Au moins comprend on qu'au delà des images, c'est le regard sur ces images même qui est mis en scène. Mais l'on ne garde que cette question en mémoire, le théâtre a-t -il encore besoin de sens pour exister? Alors qu'il y a bien longtemps que l'on a dispensé la danse du devoir de narration.

    Reste la manière: Romeo Castelllucciest un illusionniste doué, ni plus ni moins que cela. Et un fieffé menteur, bien sur,lorsqu'il prétend que sa création part "d'une amnésie essentielle du théâtre".

    Tout est trés professionnel au contraire, bien construit et réglé, avec beaucoup de moyens et de budget, maitrisé, savamment dosé, avec de l'attente et des surprises, impeccablement technique, des lumières aux effets spéciaux, des explosions aux pleurs. 

    Ce n'est pas rien alors que d'autres- tels Vera Mantero- deconstruisent jusqu'à la forme.

    Beaucoup de savoir-faire, mais au service de quoi?

     Hey Girl ! c'est au Theatre de l' Odeon Ateliers Berthier, jusqu'à fin novembre.

    Avec le festival d'automne encore

    Guy 

  • Sans Dieu ni Maitre

    On ecoute: on est surpris.

    medium_mort.jpgEt l'on doute. Est-ce vraiment Montherlant qui est l'auteur de ce "Don Juan"? Ou alors un Montherlant qui aurait renoncé à sa manière, à ce style brillant, trés entre-deux-guerres. Pour s'aventurer du coté de la dérision, de l'ellipse, du second degré, de l'urgence. Pour sonner très contemporain, soudain.

    On est surpris, on est pas déçu. On avait écrit icique Montherlant ne savait pas faire rire. On se trompait. C'est un jeu de massacre, très méchant. Montherlant prend le mythe à contre-pied, tire sur la statue du commandeur à boulets rouges, secoue la thématique en tous sens. Pourtant on se se refait pas: Montherlant et Don Juan étaient fait pour se rencontrer. Le thème central reste la foi, et donc son absence, sa négation plutôt, l'instant terrible où l'on blasphème mais pourtant rien ne se passe. Ni foudre ni tremblement de terre. Juste libération ou désolation.

    Ne reste à Don Juan qu'à se livrer à une course effrénée de conquêtes, pour habiter le présent et nier le néant.

    Dom Juan éructe donc, cours, tombe, rie, sue, s'enivre- Le "Baal" de Brechta trouvé un sérieux concurrent, un peu plus propre sur lui quand même- insulte le ciel en vain. Et il ne se trouve pas un personnage pour lui apporter la contradiction, la statue du commandeur n'est que l'effet d'une plaisanterie douteuse. Comme si Montherlant avait enfin cessé de faire semblant de croire en Dieu.

    C'est "La Mort qui fait le trottoir (Don juan)" m.e.s. par Sylvain Ledda, toujours jusqu'à fin décembre, toujours au T.N.O.

    Guy

  • Lisbeth, Hermione et Winifred sont dans un bateau...

    Ces trois filles là font toutes jeunes encore, mais elles ont déjà tout des grandes, et le quatrième -le jardinier- essaie brievement de danser Buto, un très bon point; on pourra tout lui pardonner ensuite. C'est au final sans reproche et sincère, juste encore un peu trop d'impatience medium_flyerlisbeth.jpgpeut-être, péché vertueux, l'envie de tout dire tout de suite, et fort, il manque juste encore un peu de silence ici et là.

    Pourtant qui va les voir chaque soir, pas loin derrière la place du Colonel Fabien? Qui va donc les voir, quand ce n'est pas l'anniversaire du technicien lumière? Les passants? C'est bien Winifred qui hier dans la rue nous a abordé pour venir voir le spectacle, trop tard on avait déjà réservé, attiré par le titre peut-être- " Lisbeth est completement pétée" -et par les yeux sur l'affiche aussi. 

    Quoiqu'il en soit, on entre et on écoute le texte d'Armando Llamas (1950-2003), une écriture excessive, violente, innocemment provocatrice, et l'on pense à Copi,en plus adulte -pourquoi? Les mêmes origines argentines? Une proximité partagée avec la mort en tout cas, qui ronge un monde gagné par une entropie croissante, ivre d'un trop plein de biens matériels et de références culturelles. Ici plus contemporaines que seventies. Mais la chanson reste la même.

    Guy

     

  • Moeno Wakamatsu: voyage aux enfers

    Comme chaque fois que Moeno Wakamatsudanse, c'est un chemin lancinant qui est tracé, accidenté, avec des suspens de douleur et d'épuisement, mais sans retour en arrière. Jusqu'au bout. Un voyage toujours, tragique mais jamais le même. Ce soir la cour de la "fondaction medium_Moeno_20BV.2.jpgBoris Vian", au delà des grandes portes-fenêtres, devenait la scène. Dans cette cour, mort peut-être déja, Orpheus gisait, chairs meurtries contre la pierre. Le voyage de ce soir était celui d'Orphée aux enfers, le retour d'Orphée sans doute, Eurydice perdue deux fois, Orphée rubans aux pieds, à l'extrémité une lourde pierre à traîner.

    Peut être la plus grande beauté de cette danse réside-t-elle là, dans un intense et impossible équilibre sur une seule main et sur la seule pointe d'un pied, un effort continu qui engage tout le corps, et l'âme. Ou dans une chute. La chair éprouvée contre le sol rugueux.

    Aprés un maitre - Masaki Iwana- pour invité la semaine d'avant, cette fois une novice (une élève ?): Noura Ferroudj. Elle résoud vite et trés radicalement l'épineux problème du costume de scène. Mais même encore habillée des "Z'ailes du désir"il lui reste toujours ces cordes-souvenir de rite Shinto ?- qui l'étranglent, elle comme nous comme vous et comme chacun, ces maudites cordes dont il faut prendre le temps un jour de se libérer.

    Pièce structurée en pyramide: ascension-paroxysme-descente, rien de ce coté qui ne surprenne. Et en effet c'est joli, ainsi que l'accompagnement boisé de clarinette, les amples mouvements qui s'offrent, les beaux effets de lumière rasante sur le corps presque allongé. Tout cela est joli, comme une rêverie étrange, même un peu acidulée, même parfois un peu agitée. Aux acres parfums du moyen-orient. Tout cela reste encore sans doute en deça des ambitions du projet. Rien n'apparait vraiment tragique, encore. Le corps est là, mais un corps ne laisse pas deviner cette tension qui recule les limites de la danse. Un corps nu mais qui semble plus serein qu'inquiet, qui se met en jeu entier, généreusement, mais sans oser le hors jeu. Mais il est vrai: on avait vu Moeno avant.

    Quoiqu'il en soit mercredi prochain Noura Ferroudj s'envole à nouveau- encore plus haut peut être- au même endroit -Boris Vian Cité Veron - un indice: c'est à coté du Moulin Rouge-, et avec bien sur Moeno, métamorphosée en Dryoped' Ovide à nouveau.

    Guy

  • La Reine morte

    Ines de Castro doit mourir.

    Coupable d'être secrètement mariée à Pedro, fils du vieux Roi Ferrante et héritier de la couronne du Portugal. Pedro promis, pour le bien de l'État, et pour son propre malheur, à l'Infante d'Espagne.

    medium_180px-Inecastro.jpgInes de Castro doit mourir, et c'est le Roi Ferrante qui seul doit en décider. Lui même au seuil du tombeau, desséché de pouvoir et de vieillesse, fatigué de l'espoir, et même de la méchanceté.

    La puissance irraisonnée de la passion (Pasiphae), le dégoût du monde et du vulgaire (Le Maitre de Santiago), l'impossiblité des rapports père-fils (Fils de personne)... les thèmes que l'on a déjà vu abordés dans ce cycle Montherlant s'entremèlent à nouveau ici. Liées par cette terrible noirceur, qui fuse en aphorismes cinglants et venimeux: "En prison pour médiocrité!".

    Pourtant, autant que le pessimisme, l'amour, l'innocence trouvent aussi à s'exprimer, par la voix d'Ines, et cette voix est douce et belle. La pièce s'allège ainsi peu à peu jusqu'à son épure, en un dialogue crépusculaire et intime entre Ines et Ferrante. Ce dernier au bord de se laisser aller à ressentir, presque vivre, une dernière fois.

    S'agissant de la mise en scène de Jean Luc Jeener, on hésite même à en parler. Tant elle est invisible, parfaite d'humilité, et ne cède à aucun effet gratuit. Souligner visuellement les pulsions charnelles qu'éprouve l'Infante pour Ines ne relève que de la lucidité. Tout se concentre sur la force de l'interprétation, dans ce lieu-le T.N.O. -qui organise une proximité extrême avec les acteurs.

    En premier lieu avec Philippe Desboeuf, qui incarne Ferrante. Extraordinaire.

    ♥♥♥♥♥♥ 

    Guy

    P.S. Pour en savoir plus sur l'Ines historique, lire ici .

    Ce qui nous fait revenir un instant au "Maitre de Santiago":on a vu cet été dans une vitrine de musée à Key West (Floride) une médaille de l'ordre de Santagio. Présumée portée par Bartolomé Garcia de Nodal, chevalier de l'ordre, parti sur ordre de Philippe IV aux Amériques. Disparu en 1622 au large de Cuba avec le "Nuestra Senora de Atocha" et sa cargaison d'or. Repéché plus de trois siècles plus tard.

    Le chevalier aurait du écouter Don Alvaro. Bien fait!  

     

  • Tragedy Médée

    Ce "Médée Matériau" de Sophie Rousseau réussit son pari exactement là où "Europe, Tragedy" avait échoué. En s'essayant à la relecture d'un mythe, riche et complexe, en tentant de l'explorer en plusieurs entrées.

    Mais alors qu'"Europe Tragedy" perdait le public en route, avec une suite en mozaique, laborieuse et heurtée, d'une incohérente horizontalité, dans ce Médée Matériau nous est proposé un récit traité à différents niveaux, déclinés en simultané: parlés, joués, mimés, ou commentés de manière ironique et distanciée. En temps réel, et tout en profondeur de champ. En s'aidant d'une scénographie à surprises.

    Mise en pratique dés l'indispensable prologue: un narrateur nous démêle opportunément l'intrigue de la toison d'or et les origines du drame de Médée. Mais-surprise- façon stand-up avec de gros effets comiques: roulements d'yeux et accents appuyés. Dans le même temps et le même espace, deux actrices jouent l'évocation sanglante et frontale de l'infanticide. ce qui ne donne pas matière à rire, loin de là. Le ton est donné, décalé, tout en contre-pied, dans la force, la densité et l'ambiguité.

    Plus tard, la partition se fait encore plus riche et subtile. Médée déclame sa vengeance en une tirade tragique: raconte que sa rivale revêtira sa propre robe nuptiale, pour s'embraser. Contre-chants multiples: c'est Jason qui grimé enfile la dite robe, et derrière lui la fille du roi de miner à nu en échos les mêmes gestes, comme dans un parfait ensemble de ballet, tandis qu'en quatrième plan la nourrice maquillée en clown remet à distance ce tableau par un commentaire muet et parodique.

    Des quatre acteurs, jamais aucun ne reste passif, et en retrait. Chacun joue sa partie et qui semble s'imposer dés lors- comme l'on a rarement vu sur scène- et sans jamais gêner l'ensemble- ce qui nous semble plus rare encore.

    La phrase d'Henrich Müller est une matière lourde et pâteuse, que les interprètes doivent bien mâcher avant de nous la proposer. On en était un peu dégoûté, cette troupe là nous permet d'y retrouver goût et consistance.

    C'était hier soir, toujours au festival Trans, au Théâtre du Chaudron, et cela est repris jusqu'à dimanche prochain.

    Guy

  • Tragedy Artaud

    Encore sous le charme de Marie Vialle, on retourne dans la salle, et on se console d'abord en s'imaginant enfin assister à un spectacle d'avant-garde d'il y a trente ans. Enfin, d'après l'idée qu'on s'en fait: on était trop jeune alors pour avoir vu ça pour de vrai.

    Sans remonter si loin, pas plus tard qu'en mai dernier on les (La Traversée-Cedric Orain) avait vu jouer "La Mort", de Georges Bataille dans "A court de forme". Hier et ce soir ils investissent  "Trans" pour s'attaquer cette fois à Antonin Artaud (1896-1948): "Ne vous laissez jamais mettre au cercueil".

    Dix contre un que l'an prochain on aura droit à Lautréamont.

    Grimaces douloureuses. Déclamations grinçantes. Diction klingon. Chutes sonores. Poses torturées. Stridences distanciées qui prennent à rebrousse poil.

    On regarde et on écoute quand même, dubitatif, et du bout des oreilles. Mais il y a tant de trouvailles et d'idées, medium_Artaud_Jeanne_d_arc.jpgd'énergie maîtrisée, que l'on finit quand même par se demander pourquoi au juste on arrive pas vraiment à aimer. Et dés lors c'est trop tard on s'est laissé prendre au jeu.

    Jusqu'à admettre que ce n'est qu'à coups d'outrances visuelles et vocales qu'il est possible de rendre compte du monde d'Antonin Artaud. Folie, révolte et souffrance, corps et esprit corseté, emprisonné, médicalisé, éprouvé par les institutions. Curetage à vif du fond commun de désespoir de l'humanité.

    Pour évoquer justement la douleur et le dégoût d'Artaud, il faut bien accepter de regarder-on en revient là- un théâtre de la cruauté au fond des yeux. Que ces deux actrices incarnent en se livrant au saccage de la beauté. Avec rage et précision.

    Puis soudain on comprend. Pourquoi on a finit par rentrer dedans. Pourquoi cela nous paraissait en un sens familier. En se souvenant en quelle haute estime Hijikata et les fondateurs de la nouvelle danse japonaise tenaient Antonin Artaud.On est content, on a découvert ce soir un cousin éloigné du Buto.

    La soirée se concluait en nocturne, avec Europe Tragedy. On aurait du prendre au premier degré les fausses-vraies confidences des acteurs au début du spectacle: considérons qu'il s'agissait hier d'un travail en cours.

    Avec, pour un sujet mythologico-biblique si obscur et qui appelait dans la forme un peu de clarté, trop de ruptures de ton et rythme: faux départ, lectures savantes et pédagogiques, fausses sorties, adresses au public, maladresses faussement improvisées, longs récitatifs, corrida de Dieu antique en bovidé, nu douché au baquet, et pour conclure soudain, le viol d'Europe, insoutenable.

    On reviendra les voir quand le travail sera achevé. Pour de vrai ou non.

    Guy

    P.S. Tout cela reprend ce mardi soir, plus surprenant qu'un huitième de finale

  • Marie Vialle - Contes cruels

    Marie Vialle chante clair et haut dans le noir, joue nue du violoncelle tout en récitant le premier conte de Pascal Quignard. Malgré toutes ces actions simultanées, au début il n'y a presque rien, sinon de l'étonnement. C'est qu'il faut laisser le temps au verbe de naître. Puis tombent peu à peu des cintres les vêtements, alors que s'élèvent les mots et les notes qui l'enrobent.
    Plus la conteuse se retrouve vêtue, plus le récit prend chair et couleur, et sa voix de l'assurance.

    Les contes, comme il se doit, sont cruels, nous font re-goûter aux émotions qui accompagnaient nos frayeurs enfantines, nous plongent dans un passé ré-imaginé et imprégné de magie, envahi par les expressions exacerbées des désirs, du dépit, de la culpabilité, et de la jalousie. Perte de l'innocence, meurtre et amour, pactes imprudents.

    Le débit s'accélère. Insensiblement, de récitante, Marie Vialle devient actrice, investit de ses mouvements tout l'espace scénique, s'incarne enfin en protagoniste, bientôt victime de sa narration.

    Le récit s'emballe en boucles, balbutie, s'affole. Comme dans tous les contes de tous temps, la faute originelle contient en elle les germes de sa punition, que nous anticipons malgré nous avec une impatience cruelle. L'heroine gardera-t-elle  "Le Nom sur le bout de la langue"sans parvenir à dire ce mot pour se libérer, sera-t-elle emportée par le diable à jamais? Pour que meure avec elle, dans sa bouche restée muette, toute mémoire, tout récit, toute fiction?

    On ne révélera surtout pas, si l'histoire finit mal, ou pas....

    C'était hier (et ce soir) au festival Trans au Theatre du Chaudron.

    Mais après cela, la soirée était loin d'être terminée...

    Guy